PISCATOR (E.)

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PISCATOR ERWIN (1893-1966)

Erwin Piscator est avec Max Reinhardt l’un des grand rénovateurs de la mise en scène théâtrale en Allemagne, particulièrement sous la république de Weimar, où se déroule la partie la plus féconde de sa carrière. Il peut être considéré comme le promoteur du théâtre politique ou «épique» dont il partage la paternité avec Bertolt Brecht.

Né près de Wetzlar dans une famille protestante qui compte parmi ses ancêtres le théologien J. Piscator (1546-1625), il sent s’éveiller très tôt son goût pour la scène. Étudiant à Munich, il devient acteur. Fin 1917, il dirige un théâtre aux armées. Parallèlement, il prend conscience des antagonismes sociaux. Dès avant la guerre qu’il vivra aussi au front, il est antimilitariste. Comme il le confie dans son principal ouvrage (Das proletarische Theater , 1929), la guerre scelle de façon indissociable son engagement politique et sa vocation théâtrale. En 1918, on le retrouve parmi les dadaïstes berlinois. Comme beaucoup d’entre eux, il adhère au Parti communiste.

C’est donc en militant qu’il aborde le théâtre. Renvoyant dos à dos le naturalisme jugé trop photographique et l’expressionnisme trop métaphysique, il veut mettre la scène au service de la révolution à travers un répertoire neuf composé de drames collectifs et non plus personnels qui sont reliés à l’histoire immédiate et interprétés par des non-professionnels. Il s’adresse à un public prolétarien dont il faut éclairer la conscience. Arme de libération culturelle, le théâtre n’est plus le miroir de son temps, mais un tribunal qui condamne l’ordre ancien et invite à la construction d’un monde nouveau conforme aux exigences du socialisme révolutionnaire. Un tel projet appelle la mise en œuvre de techniques nouvelles, essentiellement cinématographiques et architecturales, qui font éclater l’espace scénique traditionnel.

Sa notoriété s’affirme rapidement. Engagé d’abord dans des expériences d’agitprop au Proletarisches Theater de Berlin (1920), il poursuit ses années d’apprentissage avec des revues commandées par le Parti communiste. Il devient directeur du Central-Theater. Schématiques au début, ses moyens d’expression se diversifient par le recours aux projections, au film, au cabaret. Dans la Revue Révolution rouge (Revue Roter Rummel , 1924), le texte de F. Gasbarra est entrecoupé de chansons satiriques, de dessins improvisés, de matches de boxe entre adversaires politiques du jour. Dans Malgré tout (Trotz allerdem , 1925) il fait appel au film. Un montage de discours, de photos, de scènes de guerres ou de révolutions contemporaines prolonge le jeu des acteurs.

Engagé par la Volksbühne (Théâtre des syndicats ouvriers), il invente la distanciation en faisant d’une pièce conventionnelle d’A. Paquet, Drapeaux (Fahnen , 1924) une pièce didactique. Dans un prologue ajouté, un présentateur montre sur un écran les personnages qui, soudain, font irruption sur la scène. L’action, située à Chicago, est désaméricanisée. Si Piscator rompt avec les recettes de la mise en scène, il n’a pas non plus le respect des textes, fussent-ils classiques. Il en résulte des tensions avec des auteurs tels que Brecht, F. Wolf et Plivier. Dans Les Brigands (Die Räuber , 1926) de Schiller, il modifie des scènes, déplace le héros au profit d’un personnage secondaire affublé du masque de Lénine. Ces innovations dérangent, d’abord les nationalistes, mais aussi les sociaux-démocrates qui obtiennent son départ de la Volksbühne et même ses amis politiques.

Dans les trois théâtres (Piscator-Bühnen) qu’il fonde à Berlin entre 1927 et 1931, Piscator innove encore grâce à un dispositif scénique fait d’espaces de jeux juxtaposés, superposés, interchangeables, où les acteurs se déploient simultanément. Ainsi sont matérialisés, dans Hop là, nous vivons (Hoppla, wir leben , 1927) d’Ernst Toller, les différentes strates de la hiérarchie sociale. Ainsi jaillissent des rapprochements suggestifs entre situations historiques différentes. Le temps est démultiplié. Dans Švejk (1928), adapté du roman de Hašek, l’utilisation de deux tapis roulants montés à contresens permet de rendre sans rupture les tribulations du héros épié en fond de scène par des caricatures géantes de G. Grosz. Piscator aspire à un théâtre total. Un tel projet, conçu par l’architecte Gropius, n’aboutira pas car dès 1931, Piscator quitte l’Allemagne.

Parti pour l’U.R.S.S. en vue d’y tourner un film, il se heurte vite à la suspicion. Ses convictions politiques en sortent ébranlées, mais il reste sourd aux appels de Goebbels. À l’heure des grands procès, il gagne la France, puis les États-Unis. Son activité y reste marginale, même s’il y fonde une école d’art dramatique (Dramatic Workshop) fréquentée notamment par A. Miller et M. Brando. Après la guerre, il ne donne pas suite aux invitations de F. Wolf et Brecht à venir travailler en République démocratique allemande. Suspecté par le maccarthysme, il s’établit en Allemagne fédérale (1950), où ses talents tardent à être vraiment reconnus. Nommé directeur de la Volksbühne d’où il avait été chassé, il fait plus que survivre à sa légende. En témoignent ses mises en scène du nouveau «théâtre documentaire» allemand: Le Vicaire (Der Stellvertreter , 1963) de R. Hochhuth, L’Affaire Oppenheimer (In der Sache Oppenheimer , 1964) de H. Kipphardt, L’Instruction (Die Ermittlung , 1965) de P. Weiss. Accusé à tort d’être un maniaque de la technique, Piscator a non seulement ouvert à la mise en scène des voies nouvelles, largement empruntées depuis, mais il a aussi fortement contribué au renouvellement de l’écriture dramatique.

Encyclopédie Universelle. 2012.

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